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Le portage du foncier va devenir incontournable pour installer

Au moins 5 millions d'hectares de terres agricoles seront cédés dans les dix ans à venir.

Alors que les futurs installés seront de moins en moins des descendants des exploitants, l’accès au foncier sera un véritable défi. Le portage du foncier sera un des outils permettant de le relever.

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« Selon les analystes, entre 25 et 50 % des agriculteurs vont partir à la retraite dans les dix ans », estime Hervé Flament, directeur général adjoint de la Safer Occitanie lors d’un webinaire organisé ce 19 octobre. 25 %, c’est 5 millions d’hectares qui changeront d’exploitant. »

Alors que le taux de renouvellement est de deux installations pour trois départs, dans 10 ans, il y aura un tiers de ces 5 millions d’hectares pour lesquels il faudra trouver les moyens de transmettre. Une transmission qui sera de moins en moins familiale. « À l’échelle de la France, 63 % des agriculteurs qui vont s’installer demain sont hors cadre familial. En Occitanie, c’est 85 % », détaille Hervé Flament.

Une solution pour les hors-cadre familiaux

« Les non-issus-du-monde-agricole mettront le pied à l’étrier en accédant aux terres agricoles plutôt par la location, présage Jean-Baptiste Millard, délégué général du laboratoire d’idées Agridées. Or les exploitations qui se cèdent en l’absence de descendants sont en inadéquation avec la taille souhaitée par les porteurs de projets. » Ces derniers souhaitent s’installer sur des surfaces inférieures aux exploitations qui peuvent être mises sur le marché.

La solution trouvée pour répondre à ces problématiques se trouve dans le portage de foncier par des acteurs privés ou publics qui acquièrent la propriété de terres avant de les louer à plus ou moins long terme à des futurs installés tout en laissant la possibilité à ces derniers d’en devenir propriétaires à un moment de leur carrière.

Une trentaine d’opérateurs « sérieux »

« Les Safer se doivent aujourd’hui d’avoir une bonne connaissance de tous les opérateurs sur le portage du foncier », précise Hervé Flament. Si la Safer Occitanie travaille avec 10 d’entre eux, 30 opérateurs « sérieux » sont identifiés par les Safer au niveau national selon le directeur général adjoint.

Si Terres de liens par exemple portent du foncier depuis maintenant 20 ans, d’autres opérateurs émergent. C’est le cas notamment de Fermes en vie (Feve). En deux ans, ce fonds annonçait le 9 octobre 2023 avoir récolté 9,5 millions d’euros auprès d’investisseurs particuliers et avoir repris 11 exploitations qu’il estimait sur le point de disparaître. Des fonds de portage qui ont souvent la vocation de promouvoir des exploitations tournées vers « l’agroécologie » ou « paysannes », selon les termes utilisés.

Des foncières se mettent également en place pour adosser au portage du foncier la production d’énergie. C’est le cas de la société Terravene créée sous l’impulsion du producteur d’énergie Voltalia. Elle a pour vocation d'acquérir des propriétés pour les louer à des porteurs de projets qui souhaitent s’engager en agrivoltaïsme tout en leur laissant l’option de devenir propriétaire à tout moment du foncier. Mis en place depuis moins d’un an, le fonds est actuellement en train de finaliser l’acquisition de deux exploitations dans l’Aude et dans le Cher.

Les coopératives s’y mettent aussi

Les acteurs publics complètent le paysage de ces fonds de portage. En Occitanie par exemple, la région a lancé en 2021 l’expérimentation de la Foncière agricole d’Occitanie. Société privée, son actionnariat est public. « Il y a 1 000 actionnaires dont la Safer, souligne Hervé Flament. La foncière a commencé ses premières acquisitions au début de l’année. » À un niveau national, la FNSafer avait annoncé en mars 2023 le lancement du fonds de portage Elan avec une première dotation de 30 millions d’euros.

Pour assurer leurs approvisionnements, les coopératives agricoles s’intéressent aussi à l’acquisition de foncier. Avec le nombre d’exploitations en baisse, « les coopératives craignent que leurs installations deviennent surdimensionnées et elles s’interrogent sur la possibilité de le maintenir », observe Jean-Baptiste Millard.

Une proposition pour attirer l’épargne des Français

Alors que le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles doit être transmis au Parlement en décembre, selon le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, dans une interview donnée au début du mois à La France Agricole, les débats pourraient porter sur la création du groupement foncier agricole d’investissement (GFAI). Une mesure qui était inscrite dans un avant-projet de loi datant du mois de juillet que La France Agricole a pu consulter.

« Il y a besoin de capitaux, commente Jean-Baptiste Millard. L’idée est de pouvoir drainer l’épargne des particuliers vers les GFAI. » Un dispositif qui fait écho à celui proposé le mois dernier par la sénatrice Vaina Paoli-Gagin. Pour faciliter la transmission des exploitations, l’élue de l’Aube a déposé le 5 septembre 2023 une proposition de loi pour créer une nouvelle forme sociétaire : le groupement financier agricole d’épargnants (GFAE).

Proche de l’actuel GFA créé en 1970, cette nouvelle forme sociétaire permettrait « de drainer l’épargne des Français vers l’acquisition de foncier agricole », explique l’élue dans les motifs de sa proposition de loi. « Concrètement, les épargnants acquerraient des terres agricoles qui seraient ensuite données à bail à long terme à un agriculteur dans le cadre du statut du fermage », précise Vanina Paoli-Gagin.

Un enjeu loin d’être négligeable alors que la France fait partie des pays où le taux d’épargne est le plus élevé, selon les derniers chiffres de la Fédération bancaire française publiés au mois d’août 2023. Rien que sur les livrets réglementés (comme les livrets A ou les PEL), 902 milliards sont épargnés par les ménages français.

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